TCHÉCOSLOVAQUIE 1968
Bibliographie établie par Alain Refalo – 22 février 2025
Roger Garaudy, La liberté en sursis Prague 1968, Fayard, 1968, 156 p.
En janvier 1968, les communistes tchécoslovaques ont, les premiers, développé une critique fondamentale du stalinisme et tiré sans réticence les conséquences théoriques et pratiques du XXe Congrès. Ils ont posé le problème de la création d’un modèle nouveau du socialisme dans un pays hautement développé, celui de la démocratie socialiste à tous les niveaux de l’économie, de la politique, de la culture. Ils ont rappelé dans l’esprit de Marx et de Lénine, que le socialisme ne pouvait se définir seulement par l’abolition de la propriété privée des moyens de production, mais qu’il exige une participation créatrice de chacun et de tous à la gestion des entreprises et de l’État, une liberté sans précédent de recherche et de création artistique, condition nécessaire du plein épanouissement de chaque homme. C’est ce beau visage humain du socialisme qui est évoqué par Roger Garaudy dans ce « dossier tchécoslovaque brutalement fermé par l’intervention du 21 août.
Tous les textes d’auteurs tchécoslovaques présentés dans ce volume ont été écrits entre la session de janvier 1968 du Comité central du Parti communiste de Tchécoslovaquie et l’intervention militaire du 21 août 1968.
Jacques Marcelle, Le deuxième coup de Prague, le renouveau socialiste tchécoslovaque à l’épreuve de la liberté, Les Éditions Vie ouvrière, 1968, 295 p.
20 août 1968 : les troupes de l’Union Soviétique et de se salliés du Pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie. Le deuxième coup de Prague se situe cependant dans un contexte fort différent du premier.
Le coup d’État du 25 février 1948, opéré contre la majorité de la nation, transformait la Tchécoslovaquie en État « socialiste » au sens où l’entend Moscou. IL intégrait cet Etat dans le monde communiste sous l’obédience de l’Union Soviétique. Le peuple tchécoslovaque vivait sous la coupe d’un pouvoir stalinien incarné par l’ex-président Novotny.
Depuis plusieurs mois, sous la conduite de ses nouveaux chefs portés par la majorité de la nation et du Parti communiste, et spécialement du président Svoboda et d’Alexandre Dubcek, la Tchécoslovaquie menait une expérience extraordinaire de libéralisation pour réaliser la synthèse du socialisme et de la liberté.
Dans le monde, tous les hommes aspirant à la justice et à la liberté dans une société sans privilèges, avaient les yeux tournés vers cette expérience nouvelle. Leur espérance était immense. Elle consistait aussi dans la conviction que l’heureuse issue de l’évolution tchécoslovaque serait un facteur d’accélération de la détente dans le monde.
C’est dans ce contexte que se situe le deuxième coup de Prague.
Le livre de Jacques Marcelle permettra de mieux connaître le peuple tchécoslovaque et la signification qu’il donne au mot « liberté ».
Isabelle Vichniac, L’ordre règne à Prague, Fayard, 1968, 187 p.
L’ordre qui règne cet automne à Prague porte le nom de « normalisation ». L’auteur qui a vu arriver les tanks russes en Tchécoslovaquie, met en évidence dans ce témoignage au jour le jour le décalage entre la mobilisation politique de tout un peuple contre l’occupant et la conduite de ses dirigeants, avec lesquels il a pourtant fait corps pendant la « résistance des sept jours ». Cette résistance, à laquelle tous – y compris la majorité des agents secrets hier encore au service du Kremlin – ont pris part, se laissera-t-elle étouffer par la « normalisation » ? Les dirigeants continueront-ils à être pour le peuple le symbole de la liberté ? Le lecteur trouvera, dans le récit d’Isabelle Vichniac et dans son analyse des forces qui se sont opposées à l’invasion, des éléments de réponse à ces questions et ces thèmes de réflexion.
Michel Salomon, Prague, la révolution étranglée, janvier-août 1968, Robert Laffont, 1968
Grand reporter, collaborateur de L’Express, Michel Salomon est né à Lille en 1927. Études secondaires à Paris. Il poursuit simultanément des études littéraires et médicales. Il fut médecin militaire au Vietnam. A son retour d’Extrême-Orient, en 1954, il se consacre uniquement au journalisme : rédacteur en chef de Mondes d’Orient et de L’Arche jusqu’en 1967, il collabore également à de nombreux quotidiens et publications français et étrangers. Directeur littéraire d’une maison d’édition, il est le premier à présenter en Europe occidentale l’œuvre de Youli Daniel, Ici Moscou. Depuis l’automne 1967 jusqu’à l’invasion des troupes soviétiques à la fin du mois d’août, Michel Salomon assure la liaison, pour le compte de L’Express, entre Paris et Prague. Il rencontre ainsi les principaux artisans du nouveau « coup » ; de Cisar, l’idéologue du P.C., à Vaculik, le fougueux jeune écrivain et Mnacko, le romancier slovaque, en passant par Goldstucker, président de l’Union des Écrivains, et Smrkowski, président de l’Assemblée Nationale. Son ouvrage est celui d’un témoin qui, durant ces neuf mois décisifs, a parcouru la Tchécoslovaquie en tous sens, de l’ancien territoire des Sudètes à la frontière soviétique de Slovaquie, et qui a recueilli les confidences, paroles d’espoir ou de désillusion, des femmes et des hommes qui ont cru modeler un nouveau visage du socialisme.
Michel Tatu, L’hérésie impossible, Chronique du drame tchécoslovaque, Grasset, 1968, 288 p.
Michel Tatu a suivi les événements de Tchécoslovaquie, entre mars 1967 et les tragiques journées d’ao-t, de l’observatoire particulièrement privilégié qu’était Vienne. Ceci lui a permis d’offrir à ses lecteurs du Monde des informations de toute première main : réunis ici, ces articles restituent le climat et le sens des événements avec une étonnante lucidité et acquièrent la dimension d’une véritable chronique historique.
Bien sûr, on retrouve dans le livre de Michel Tatu les qualités de l’analyste et une interprétation politique des événements où l’on reconnaît la finesse du jugement du grand kremlinologue. Il serait vain d’expliquer l’intervention soviétique, sans connaître à fond les rouages de l’exercice du pouvoir en U.R.S.S.
Erich Bertleff, A mains nues, Stock, 1969, 224 p.
Témoignage et récit documentaire de l’agression commise par les Soviétiques et leurs alliés contre la Tchécoslovaquie au mois d’août 1968, ce livre décrit le combat courageux qu’un peuple désarmé a mené pour sa liberté, pour la réalisation d’un socialisme humain et démocratique. Le livre d’Erich Bertleff, exact et documenté, fait revivre les heures tragiques de Prague sans emphase, avec vie et précision.
Collectif, Écrits à Prague sous la censure, août 1968-juin 1969, textes choisis et présentés par Pierre Broué, EDI Paris, 1973, 259 p.
Les textes publiés dans cet ouvrage, extraits des hebdomadaires du Printemps de Prague, Reportér et Politika, dans lesquels s’exprimait l’aile « progressiste » du Parti communiste tchécoslovaque, surgie au grand jour en janvier 1968, sévèrement persécutée depuis avril 1969, puisque ses principaux porte-parole sont, les uns après les autres arrêtés, et condamnés, donneront au lecteur français une idée concrète de ce qu’on pouvait écrire à Prague sous la censure, entre le 21 août 1968, date de l’intervention des armées du Pacte de Varsovie, et ce 12 avril 1969 où l’arrivée de Gustav Husak a mis le point final à la période où le sens du mot « normalisation » pouvait encore paraître ambigu aux yeux des naïfs.
Pierre Broué, Le printemps des peuples commence à Prague, essai sur la révolution politique en Europe de l’Est, La Vérité, 1969, 277 p.
Livre en téléchargement : 542_supplément_Broué_printemps_peuples.pdf
Laurent Rainer, L’après printemps de Prague, Stock, 1976, 603 p.
Avec la collaboration de Jacqueline Flandrin il fait parti de la collection " témoins de notre temps". L’auteur est un des rares journalistes français a avoir vécu de 1968 à 1976 les évènements qui succédèrent au Printemps de Prague. Témoin direct il en a rapporté une série de documents tous inédits en France.
Jiri Pelikan, S’ils me tuent…, Récit recueilli par Frederic de Towarnicki, Grasset, 1975, 293 p.
En 1968 Brejnev demande à Dubceck la tête de Jiri Pelikan. En 1975 celui-ci reçoit à son domicile un colis piégé qui manque de lui coûter la vie. Constamment menacé par de mystérieux adversaires qui craignent ses révélations, il vit actuellement en exil et se décide enfin à publier ce récit. Qui est Jiri Pelikan ? Entré à 16 ans au parti communiste, directeur général de la télévision tchécoslovaque de 1963 à 1968, membre du comité central élu par le XIVe congrès clandestin, il décrit de l’intérieur les rouages les plus secrets du système pour la démocratisation duquel il a lutté jusqu’à l’intervention militaire soviétique en août 1968. Président de l’union internationale des étudiants pendant dix ans, il a rencontré les chefs d’état et les dirigeants politiques qui ont dominé la scène de notre histoire : Fidel Castro, Che Guevara, Mao Tse toung, Khrouchtchev, Chou En lai, Ben Bella, Bourguiba, etc. De fait, il s’interroge ici sur le destin mondial du socialisme, tant dans les pays où il est au pouvoir que dans les pays occidentaux. À l’heure du débat entre communistes et socialistes, à l’heure de la crise économique internationale et de l’affaire portugaise, il pose cette question décisive : le cordon ombilical qui relie les partis communistes à Moscou sera-t-il un jour tranché ? Et le rêve d’un socialisme à visage humain finira-t-il par s’incarner ?
Jiri Hajek, Dix ans après, Prague 68-78, Seuil, Combats, 1978, 203 p.
10 ans après l’éclosion du printemps de Prague, malgré bien des commentaires et des témoignages fragmentaires, on sait encore relativement peu de choses de la surprenante naissance, du développement rapide main inégal, puis de l’anéantissement brutal de l’expérience de renouveau démocratique qui vit le jour en Tchécoslovaquie sous le nom de "socialisme à visage humain" et fur réduite à néant sous prétexte de "normalisation". On a encore moins fini d’évaluer toutes les conséquences de l’intervention des armées des "Cinq" du pacte de Varsovie sur les relations internationales dans leur ensemble -les rapports Est-Ouest, la signification de la détente, la crédibilité des engagements souscrits à Helsinski- et à l’intérieur du mouvement communiste, sur les relations sino-soviétiques et l’apparition de la thèse du "social-impérialisme", sur l’attitude critique des partis occidentaux, et la naissance de "l’euro-communisme", sur le développement de l’esprit de résistance et des tendances démocratiques en Europe de l’Est.
Zdenek Mlynar, Le froid vient de Moscou, Prague 1968 du socialisme réel au socialisme à visage humain, Gallimard, 1981, 380 p.
Beaucoup de livres ont déjà paru sur ce qu’on a appelé le Printemps de Prague : ouvrages de journalistes, de politologues ou de théoriciens. Personne cependant n’avait encore parlé de ce qui s’est passé dans les plus hautes sphères du pouvoir.
Zdeněk Mlynář est le premier à lever le voile du secret. Il était alors secrétaire du Comité central du P.C. tchécoslovaque et en tant que tel s’est trouvé mêlé de près aux événements, en a connu tous les protagonistes.
Son livre décrit le prodigieux bouillonnement qu’entraîne en Tchécoslovaquie la perspective de réformes démocratiques, l’immense popularité de Dubček (la plus grande probablement dont ait jamais joui un homme d’État communiste), l’illusion qui fait croire que le pluralisme des partis, la suppression de la censure, l’indépendance de la justice, la liberté de la presse, etc., sont enfin en vue. Puis, après des attentes trop euphoriques, le dégrisement brutal : l’arrestation des chefs politiques du pays, l’invasion par les armées du pacte de Varsovie, la sinistre farce des accords de Moscou, auxquels Mlynář a participé et dont il relate l’atmosphère d’une manière magistrale.
Le froid vient de Moscou dresse le bilan d’une expérience dont la portée dépasse de loin le seul cas de la Tchécoslovaquie. Si Mlynář accuse, il le fait en s’efforçant de se montrer objectif envers tout le monde. Cependant, son constat final est sans illusion : avec le socialisme tel qu’il est, l’expérience tentée en Tchécoslovaquie était vouée d’avance à l’échec.
François Fetjô, Jacques Rupnik, Le printemps tchécoslovaque 1968, préface de Vaclav Havel, Editions Complexe, 2008, 344 p.
Avec l’insurrection hongroise de 1956 et le mouvement de grèves en Pologne qui aboutit à la création de Solidarnosc en 1981, les événements tchécoslovaques de 1968 constituent l’un des moments clés de l’histoire du communisme. La libéralisation politique se traduit par un effort réformiste de la nouvelle direction, avec Alexander Dubcek à sa tête, soutenue par de larges couches de la population. Un élan culturel accompagne et illustre ce mouvement, dont il reste des films, des romans, des pièces et quelques figures phares. Malgré ses apparences tranquilles et pacifistes, cette déstalinisation tardive est aussi une révolution. Ceux qui la soutiennent croient à une troisième voie, entre le capitalisme et le socialisme à la soviétique. Que reste-t-il du printemps de Prague ? Quels parallèles peut-on établir avec la perestroïka de Gorbatchev ? Quelles sont les révélations des archives ouvertes après 1989, notamment sur l’intervention soviétique du mois d’août 1968 ? Comment relier cette révolution au vent de contestation de l’autorité qui balaye alors le monde occidental, des campus américains aux jeunes gens de Prague en passant par le pavé parisien ? L’échec de cette tentative de réforme et l’effondrement du communisme ont-ils définitivement anéanti la possibilité d’un autre modèle de société ? Cet ouvrage réunit les meilleurs spécialistes, ainsi que quelques témoins et protagonistes de l’événement, afin d’établir la vérité historique sur ce " socialisme à visage humain " qui fut sans doute la dernière utopie du communisme.
Antony Sitruk, La vie brève de Jan Palach, Le Dilettante, 2018, 192 p.
Prague, aujourd’hui, sur les traces de Jan Palach, étudiant tchèque qui en janvier 1969 avait donné sa vie en s’immolant par le feu, pour protester contre la fin du Printemps de Prague et l’invasion de son pays par les forces du Pacte de Varsovie. Choquant et désespéré, cet acte avait secoué la population, déstabilisé le gouvernement en place, et eu des répercussions dans l’ensemble du monde occidental, jusqu’en France où les journaux de l’époque lui consacrèrent leur une et Raymond Depardon un court-métrage documentaire.
Voici enfin la découverte de ce héros libertaire dont le destin a marqué plus d’un pays et trouve encore son écho aujourd’hui. "Comme en un éclair, la Torche numéro une, ce tableau de Rubens, cette vision cauchemardesque et sublime d’un corps qui se disloque, noyé dans des flammes immenses, vient de se mettre en route et d’illuminer le musée vers lequel tous les regards se tournent, horrifiés, fascinés, éblouis, et je ne peux m’empêcher de penser qu’aujourd’hui, on filmerait tout de son téléphone portable".
MANIFESTE des "343 salopes" (5/4/1971)
Le 5 avril 1971, 343 femmes du monde des arts et des lettres déclarent avoir eu recours à l’avortement : en publiant leur manifeste, Le Nouvel Observateur fait évoluer les moeurs et met fin à l’hypocrisie collective. Ces femmes, qui s’exposaient à l’époque à des sanctions pénales, seront baptisées "les 343 salopes" par Charlie Hebdo.
Ci-dessous quelques extraits de Le Manifeste des 343 – Histoire d’un combat chez Marabulles, avec les scénaristes Adeline Laffitte + Hélène Strag, et le dessinateur Hervé Duphot ; copyright Hachette Livre (Marabout) 2020.
Ne pas hésiter à (re)voir le film joyeux, généreux et plus que jamais nécessaire Annie colère, réalisée par LENOIR Blandine (sorti en 2022 ; 120 min), et à bouquiner le petit bijou Naissance d’une liberté - Contraception, avortement : le grand combat des femmes au XXe siècle, de GAUTHIER Xavière aux éditions J’ai Lu 2004.
La loi plaidée avec talent, en janvier 1975 par Simone Veil, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt contestataire. En effet, bousculé par un fort mouvement « féministe » (MLAC, MLF …) qui scandalise en effectuant des avortements illégaux aux yeux de tous, l’État se devait de rétablir l’ordre. Et, en confiant de nouveau ce geste au professionnel, dissoudre l’autonomie !
Cf aussi :
Benhamou Olivia, Avorter aujourd’hui – Trente ans après la loi Veil, Mille et une nuits 2005 ; Pavard Bibia, « Qui sont les 343 du manifeste de 1971 ? », dans Christine Bard (Collectif), Les féministes de la deuxième vague (colloque sur le thème Les féministes de la 2e vague, actrices du changement social organisé par le Centre de recherches historiques de l’Ouest (CERHIO), le Centre d’histoire de Sciences Po et l’association Archives du féminisme, tenu à la Maison des sciences humaines Confluences, Université d’Angers, 20 - 22 mai 2010), Rennes, Presses universitaires de Rennes 2012, pages 71–81 ; Veil Simone, Les Hommes aussi s’en souviennent – Une loi pour l’Histoire, Stock 2004 ...









